Étape 43:  Lorca > Estella  8km cumul 822km

Après être restée allongée 12h cette nuit Je me lève en espérant que mon genou aille mieux... mais avant me même de sortie de l'auberge je sentais que ça revenait..

Je prends quand même le chemin... tout doucement..encore plus doucement qu'avant..  et je marche jusqu'à villatura où il ya un gite qui s'appelle la maison magique.. je m'étais dit que j'allais m'arrêter là.. ça n'aurait fait que 5km et que je me reposerais... 

Mais bon.. arrivée la bas.. personne n'était a l'accueil..  et puis.. en marchant super lentement c'était supportable.. je me dis que je vais aller jusqu'à estella.. plus grande ville donc peut être mieux pour faire un arrêt de 2j.. car je sens bien qu'il lui faut du repos.. ( à mon genou!) Pas à moi car à cette vitesse je ne fatigue même pas!

Bref... je repars.. mais ça monte et ça descends un peu plus... la douleur augmente..  je ralentis... je tiens bon... mais.. moralement c'est dur.... j'apprécie..je goûte au plaisir de chaque pas.. je regarde autour de moi car je sens bien que c'est peut être mon dernier jour de marche.. 

Et puis je remarque les gouttes de pluie de la nuit qui s'accrochent aux feuilles....et là.. j'aurais pu dire comme verlaine.... il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville.... et là ça commence à déborder dans mes yeux.... parfois seulement quelques larmes.. d'autres fois de gros sanglots...que je sèche dès que je croise qqun ou qu'on me double et qu'on me lance un grand "buon Camino" avec un grand sourire..

Le mien de sourire se fait timide...

Je me dis qu'il faut que je refasse une pause pour voir si ça va s'arranger... j'arrive à estella.. je contiens difficilement mes larmes.. j'attends 20min l'ouverture de l'auberge..  un grand dortoir un peu froid pour moi qui ait besoin de me ressourcer.. je choisis mon lit.. mais ne me résous pas à prendre ma douche..  mon homme m'appelle..  je m'effondre en larmes...

la décision n'est pas prise dans ma tête mais je sais bien que cette douleur ne va pas passer comme ça..  même après 2j de repos.. c'est la même douleur qu'avant l'infiltration..  sauf qu'elle est plus forte et de l'autre côté du même genou...

Je décide d'aller au centre médical... il faut que je remarche... J'ai de plus en plus mal.. je boîte à fond.. mon genou est bloqué...

Quel dommage.. quelle déception..  quelle douleur de devoir arreter.. j'avais tellement envie d'aller jusqu'au bout.. de découvrir tout ce que j'avais à découvrir sur la partie espagnole... de continuer les belles rencontres et les apprentissages.. et puis je suis loin d'avoir réussi le recentrage sur moi dont j'avais besoin...encore moins eu de réponse à qq trucs qui me taraudaient..... j'ai donc besoin de plus de temps..me dit mon mental... mais non... mon corps en a décidé autrement..

Dur dur de positiver sur le moment..  les émotions priment et s'expriment..  l'égo s'en fait un malin plaisir... car à ce moment là ce ne sont que discours négatifs et déceptions qui me viennent en tête... (je sais bien dans un coin de ma tête qu'il n'y a pas mort d'homme.. que ce n'est pas "grave" en soi...) mais j'accueille ma tristesse et toutes ces émotions et discours qui.. eux aussi.. viennent m'apprendre des choses sur moi.. sauf que sur le moment.. faut juste que ça sorte...

Accepter avec le coeur n'est pas encore a l'ordre du jour... et c'est bien pour ça que j'ai décidé d'aller me ressourcer..

Pourquoi Muxia?  Parce que c'était la destination finale que j'avais en tête..

Après Santiago..  certains pèlerins vont jusqu'à finisterre.. où la tradition veut d'y brûler ses chaussettes.. et plusieurs fois sur le chemin.. on m'a dit...Quand tu y seras.. continue encore jusqu'à Muxia.. tu verras c'est encore plus beau.. et tu longes tout le littoral...

Et puis j'ai lu que tout meurt a finisterre et tout renaît à Muxia...

Alors même si ce n'est pas en marchant.. J'ai décidé d'y aller... je pense que d'être à la mer me fera du bien et m'aidera à faire le point dans ma tete..à me retrouver avec moi meme.. pour réussir à positiver tout ça.. 

Je sais bien que j'y arriverai hein.. comme toujours..  tout passe.. mais bon.. chaque chose en son temps..

Je me prends même a rêver qu'après qq jours mon genou ira mieux et que je pourrais peut être marcher en sens inverse.. jusqu'à finisterre... Santiago... et même plus loin? Bon ok.. je sais.. je rêve la.. mais bon.. c'est encore dur à accepter tout ça!

Alors tout ça s'est fait très vite dans ma tête.. et je crois que le déclencheur en a été une petite phrase très forte de sens reçue par une amie très chère a mon coeur... qui m'a dit.. tu sais.. il n'y a pas un seul chemin de st Jacques..  il y en a autant que de personnes qui le foulent.. l'égo cherche la comparaison et inflige ainsi a son propriétaire de la souffrance..

C'est tellement vrai... j'en parle depuis le début de ce conditionnement à nous comparer (aux autres... à la 'norme') qui nous empoisonne..

Et là encore... il y a plein de gens qui ne font que des petites portions du chemin chaque année..  où dans un autre rythme... et ils le vivent bien... sauf que moi j'étais partie dans l'idée de le faire en entier.. ça me correspondait mieux..et puis je regardais tous ceux qui l'ont fait en entier ou qui le font en ce moment en entier.. et au final je me fais souffrir de me dire que moi.. je n'ai pas réussi..  que j'ai échoué.. oui le mot est fort. Mais il vient dans ma tête..  alors..autant ne pas le rejeter.. au contraire.. l'accueillir et comprendre le message qu'il a à me dire..

Comme elle m'a dit aussi.. regarde tout le trajet déjà accompli au lieu de regarder de qui ne s'est pas fait.. ben oui... c'est tellement vrai.. et je le sais pourtant..  mais sur le moment.. on a tendance à se focaliser sur ce qu'on a pas réussi à faire... (tout ça s'applique pr le chemin.. comme dans la vie.. encore une fois... ce chemin est un vrai reflet de nos vies... et a tellement de messages à nous délivrer....) 

Bref.. mes qq jours a l'océan vont me permettre de me recentrer sur tout ça... (entre autre)

Et puis après avoir lu ça..  ben je me suis dit.. elle a raison.. mon chemin à moi..  ben il est différent..  (de toutes façons ma vie l'est déjà (differente) alors ça aurait finalement été étonnant que mon chemin ne le soit pas!)

Je suis déçue..  certes.. (et ma fierté de loyan en reprend un gros coup....de même que mon condionnement aux 'quand on veut.. on peut...' ou autres trucs du genre...) mais j'ai quand même fait plus de 800km.. c'est pas rien.. si j'avais commencé à st jean pied de port comme 90% des gens.. j'y serais.. a Santiago.. 

Mais oui.. c'est rageant de ne pas arriver au bout..mais j'ai quand même envie de voir à quoi il ressemble..  ce bout... même si ce n'est pas en marchant..

Je crois qu'au final je mérite quand même de voir le bout.. et je vais me l'autoriser....

Et puis finalement.. même si j'y arrive en bus et en boitant.. je suis plus pèlerine que tous ceux qui ne font que les 100 derniers km juste pour avoir le tampon sur leur credentiale!

Bref... arrivée à burgos..il est 20h30.. l'auberge est voisine de la gare routière..  j'y demande les horaires pour Santiago... 4h25 du matin!

Le seul train lui est à 12h30 et arrive à 20h!

Aucune des 2 options ne me va vraiment.. mais je decide de prendre le bus de 4h.. j'arriverai à midi à Santiago et y'a un bus pour Muxia à 16h45... du coup je serai à la mer demain soir et me reveillerai vue sur mer après demain... c'était ça que je voulais.. et j'avoue que je me sens pas de dormir avec tous les pèlerins joyeux et émus car ils auront réussi leur pèlerinage à santiago.. mais au moins.. j'aurai vu Santiago quand même.. 

Tout est ok..le bus réservé... l'auberge à Muxia aussi.. la réceptionniste me donne un bout de petit dej à emporter... je me déshabille a peine et je me couche.... je suis fatiguée émotionnellement... il est temps de dormir...